La dépression post-partum,
en parler pour mieux l’appréhender (1ère partie)
Initialement publié le 29 mai 2014 sur le site de Livret de Grossesse, Passeport vers la vie
Plusieurs types de dépressions ?
Les recherches identifient différents types de troubles psychiques dans la période du post-partum.
Le baby blues ou « syndrome du troisième jour » toucherait 30-80% des accouchées. Il apparaît entre le troisième et le dixième jour suivant l’accouchement et dure rarement plus d’une semaine.
Il se caractérise par les symptômes suivant : fatigue, tristesse,
irritabilité, hyperémotivité, envie incontrôlable de pleurer. Moins
sévère que la dépression post-partum, le baby-blues n’empêche pas la
mère de s’occuper de son nouveau-né. Le baby blues ne nécessite pas de
traitement médicamenteux. La mobilisation de l’entourage, l’information,
une attitude chaleureuse, rassurante et compréhensive de la part des
professionnels de la santé suffisent le plus souvent pour surmonter ce
trouble passager.
La psychose post-partum est une maladie très sérieuse qui survient chez environ 0,1% des nouvelles mamans. Elle apparaît de deux à six semaines après l’accouchement.
Parmi les symptômes de la psychose post-partum, on note une perte de
contact avec la réalité, de la confusion, des troubles de l’humeur, de
la culpabilité et de l’agressivité pouvant mettre en danger l’intégrité
physique de la mère et du bébé. La psychose puerpérale nécessite une hospitalisation rapide
où un traitement par neuroleptique sera instauré (les neuroleptiques
sont des médicaments utilisés pour leur effet tranquillisants,
anti-délirants et pour réguler le cours de la pensée). Dans 20 % des
cas, il y a récidive au cours des grossesses ultérieures. La psychose
post-partum peut évoluer vers une maladie maniaco-dépressive ou une
schizophrénie.
La dépression post-partum (DPP) peut se manifester à tout moment dans l’année suivant la naissance de l’enfant. Les troubles peuvent persister jusqu’à deux ans après la naissance
si la dépression n’est pas prise en charge. Les femmes qui en sont
atteintes éprouvent des symptômes physiques et psychiques. Une femme
souffrant de dépression post-partum peut éprouver des sentiments
négatifs, d’ambivalence ou du désintérêt envers son enfant. De tels
sentiments peuvent avoir des répercussions néfastes sur le développement
du lien affectif qui unit la mère et l’enfant ainsi que des
répercussions sur son développement.
Quelles sont les facteurs prédisposant de la DPP ?
Il n’existe pas d’élément déclencheur unique. On estime que la
dépression post-partum résulte de nombreux facteurs complexes. Selon
C.A. Henshaw et J.L. Cox, les facteurs associés à la DPP seraient de 3
ordres : biologique, psychologique et environnemental.
Sur le plan biologique, les chercheurs se sont penchés sur la piste hormonale
pour expliquer le déclenchement de la DPP néanmoins les résultats des
différentes études ne sont pas significatifs. La grossesse et
l’accouchement font intervenir des changements rapides et importants des
taux d’œstrogènes et de progestérone. 5 à 8% femmes enceintes
pourraient être plus sensibles à ses variations hormonales qui induisent
des modifications de l’humeur et du comportement. Chez certaines
femmes souffrant de dépression post-natale on a découvert un dérèglement
temporaire de la thyroïde, glande associée aux changements d’humeurs
(Gale et Harlow, 2003).
Sur le plan psychologique, la grossesse et la naissance d’un enfant
sont des étapes importantes dans la vie d’une femme. Elles impliquent
beaucoup de changements sur le plan personnel, familial et professionnel.
La nouvelle mère est confrontée à une grande responsabilité face à ce
petit être qui vient de naître et qui dépend entièrement d’elle. Les
premiers mois sont souvent difficiles, les changements et l’adaptation
qu’ils nécessitent engendrent un stress important. Chaque personne
réagit différemment au stress, certaines mères peuvent avoir
l’impression d’être dépassées par la situation. Dans l’imaginaire
collectif, la mère est épanouie, pleine d’énergie et vit dans le bonheur
absolu. Etre mère est considéré comme un instinct, et non comme quelque
chose qui s’apprend. Les femmes éprouvant des difficultés ont
l’impression d’être les seules à se sentir débordées. Elles peuvent
avoir des émotions contradictoires (envie de revenir en arrière) qui
vont provoquer un sentiment de culpabilité, un sentiment d’échec et un
questionnement sur leur capacité à être une « bonne mère ». Elles vont
souffrir d’une détresse émotionnelle profonde qui les conduit à
s’isoler. Le nouveau-né nécessite des soins quasi-constants dans les
premiers mois de sa vie, la mère doit mettre beaucoup d’énergie à
s’occuper de son bébé. De plus les réveils nocturnes fréquents pour
l’alimenter réduisent considérablement la qualité et la quantité de
sommeil de la mère. La fatigue peut engendre un manque de patience et
d’énergie, des pleurs et de l’irritabilité.
Pour certaines femmes, le déroulement de l’accouchement ne correspond
pas à leurs attentes. Elles ont le sentiment d’avoir été « déçues » par
la façon dont la naissance de leur bébé s’est déroulée. L‘impression de
ne pas avoir été à la hauteur ou de ne pas avoir atteint leurs
objectifs peut les conduire à développer une DPP. Par ailleurs, un
accouchement traumatisant ou difficile peut avoir les mêmes
répercussions.
Des complications liées à la grossesse ou à la naissance du bébé
(prématurité, réanimation néonatale ou maternelle, malformation
congénitale, maladie dans les premiers mois de la vie) peuvent
déclencher une DPP.
La qualité des relations conjugales influencent la manière dont les
femmes vivent la période du post-partum. Les tensions et le manque de
communication au sein du couple augmentent le risque de développer une
DPP. Des recherches (Rivières-Pigeon, Saurel-Cubizolles et Romito) ont
étudié les différences concernant le partage des tâches dans le couple
pour les soins aux enfants dans l’année suivant l’accouchement en
France, au Québec et en Italie. Elles ont démontré qu’un partage inégal
des tâches s’accompagnerait d’une détresse psychologique plus grande
chez les nouvelles mères. Néanmoins, une étude menée par Mauthner, a
démontré que même les femmes qui ont un conjoint présent et aidant ne
recevraient pas forcément le type d’aide dont elles ont besoin. On peut
alors s’interroger sur le type de besoins qui sont nécessaire à ces
nouvelles mères. Besoin d’être écoutées sans jugement ? Besoin d’être
rassurées sur leur capacité à être de « bonnes mères » ? Besoin
d’exprimer leurs difficultés et d’être guider dans la recherche de
solutions qui leurs conviennent ?
La perte d’un parent proche ou une séparation du couple sont des facteurs de risque dans le cadre des DPP.
Sur le plan de l’environnement de la nouvelle mère, le fait d’avoir
un réseau de soutien peu développé, des difficultés relationnelles avec
leur propre mère, des difficultés financières ou encore le fait d’être
une mère adolescentes augmente le risque de développer une DPP.
Comment reconnaitre la DPP ?
Les symptômes de la dépression post-partum varient en fonction de son degré de gravité.
- Sentiment d’irritabilité et de colère, parfois sans aucune raison ;
- Anxiété par rapport à des éléments qui ne posent aucun problème d’habitude. Certaines femmes se sentent si inquiètes qu’elles ne sortent pas de chez elles et refusent de voir leurs amis. Peur de rester toute seule avec son enfant,
- Sentiment d’incompétence ou impression d’être débordée,
- Apparition de crises d’angoisse avec : mains moites, palpitations et nausées. Souvent imprévisibles et très douloureuses sur le plan émotionnel,
- Troubles du sommeil, même lorsque le bébé dort paisiblement,
- Sentiment constant d’épuisement et d’engourdissement, d’incapacité à faire face aux tâches ménagères. Laisser-aller général, baisse de la libido, désintérêt pour les relations sociales,
- Problèmes de concentration, confusion ou égarement,
- Perte d’appétit ou au contraire trouver refuge dans la nourriture. Perte ou prise de poids,
- Crises de larmes sans raison apparente,
- Comportement obsessionnel comme par exemple, ranger méticuleusement la maison et s’imposer des exigences impossibles,
- Peur de mourir, de blesser le bébé, obsession morbide, pensée anormale dont la femme a conscience.
Quelles sont les conséquences de la DPP ?
La DPP a des effets négatifs et indéniables sur l’ensemble de la structure familiale.
On sait que l’enfant a particulièrement besoin d’entrer en
interaction avec sa mère pour se développer. Selon John Bowlby un jeune
enfant (jusqu’à environ 2 ans) a besoin, pour connaître un développement
social et émotionnel normal, de développer une relation d’attachement
avec au moins une personne qui prend soin de lui de façon cohérente et
continue. La qualité de cet engagement relationnel est plus importante
que la quantité de temps passé. La mère est habituellement la principale
figure d’attachement ou « caregiver », mais ce rôle peut être tenu par
toute personne qui adopte un comportement « maternel » cohérent et
constant sur une certaine période de temps. Le nouveau-né par ses
pleurs, son babillage, ses sourires poussent la mère à entrer en
relation fréquente avec lui et à répondre à ses besoins.
Une mère déprimée et son enfant éprouvent de grandes difficultés dans
le processus menant au lien d’attachement. Une mère dépressive est
souvent moins attentive aux besoins de son enfant, se montrent moins
affectueuse et moins tolérante. Elle s’investit moins dans la relation
avec son nouveau-né. Elle va généralement effectuer les soins de façon
mécanique sans échanger avec son enfant. La privation de parole
rassurante, de regard, de caresses, de portage, de bercement, etc. va
engendrer des troubles du comportement (agitation ou apathie, troubles
anxieux et affectifs). L’affect négatif renvoyé par la mère au
nourrisson nuit à son apprentissage et à sa capacité de traiter
l’information. Selon certaines études, les mères dépressives sont moins
susceptibles de fixer des limites à leurs enfants ou de les faire
respecter. Les enfants de mère dépressive semblent être moins « facile à
vivre » et être moins matures pour leur âge. Ils sont également plus
susceptibles de réagir négativement à des contacts amicaux et moins
susceptibles de participer à des jeux créatifs individuels par rapport
aux autres enfants. Dans une étude menée par Hay et coll, les enfants
dont les mères étaient dépressives 3 mois après l’accouchement
montraient des indices de QI plus faibles, des troubles de l’attention,
des troubles de raisonnement mathématique et des besoins éducatifs
spéciaux.
La DPP entraine des difficultés au niveau du couple. Dans la plupart
des cas, les femmes n’osent pas parler de leur situation, la naissance
de l’enfant étant un évènement joyeux, elles se sentent coupables de
ressentir de la tristesse et de l’ambivalence par rapport à l’enfant. Le
manque de discussion au sein du couple peut entrainer des conflits et
même des séparations. Le père peut se sentir impuissant face au
changement de comportement de sa conjointe. Parfois les pères pensent
que la situation n’est que passagères et que les choses vont s’améliorer
au fur et à mesure que l’enfant va grandir. Les problèmes au sein du
couple ne sont pas sans conséquence puisque 23 à 50 % des conjoints de
mères dépressives présenteraient eux aussi des troubles psychologiques.
Il semble donc primordial de prévenir et traiter rapidement les
troubles dépressifs chez les nouvelles mères. Vous découvrirez
prochainement dans la deuxième partie de notre article comment faire
face à la dépression post-partum et quel sont les endroits où trouver de
l’aide.
Infirmière Clinicienne et Accompagnante à la naissance
Membre de l’équipe de BB à Bord
Accompagnement périnatal et Boutique
www.bbabord.com
438-395-2992
Sources :
Castillo-Torralba M. Interventions psychosociales et psychologiques dans la prévention de la dépression du post-partum : Commentaire de la BSG (dernière révision : 24 septembre 2007) Bibliothèque de Santé Génésique de l’OMS ; Genève : Organisation mondiale de la Santé.
Association canadienne pour la santé mentale : https://www.cmha.ca/fr/mental_health/la-depression-post-partum/
Soares CN, Zitek B. Reproductive hormone sensitivity and risk for depression across the female life cycle: a continuum of vulnerability? J Psychiatry Neurosci. 2008 Jul;33(4):331-43.
La dépression du post-partum, émission du 18/01/2011 http://www.france5.fr/emissions/les-maternelles/diffusions/18-01-2011_114727
http://www.cps.ca/fr/documents/position/depression-mere-developpement-enfant
Une pilule, une petite granule, Dépression post-partum, émission du 13/10/2011 avec la psychiatre M. Josée Poulin de L’Institut en Santé Mentale de Québec http://pilule.telequebec.tv/occurrence.aspx?id=882
Castillo-Torralba M. Interventions psychosociales et psychologiques dans la prévention de la dépression du post-partum : Commentaire de la BSG (dernière révision : 24 septembre 2007) Bibliothèque de Santé Génésique de l’OMS ; Genève : Organisation mondiale de la Santé.
Association canadienne pour la santé mentale : https://www.cmha.ca/fr/mental_health/la-depression-post-partum/
Soares CN, Zitek B. Reproductive hormone sensitivity and risk for depression across the female life cycle: a continuum of vulnerability? J Psychiatry Neurosci. 2008 Jul;33(4):331-43.
La dépression du post-partum, émission du 18/01/2011 http://www.france5.fr/emissions/les-maternelles/diffusions/18-01-2011_114727
http://www.cps.ca/fr/documents/position/depression-mere-developpement-enfant
Une pilule, une petite granule, Dépression post-partum, émission du 13/10/2011 avec la psychiatre M. Josée Poulin de L’Institut en Santé Mentale de Québec http://pilule.telequebec.tv/occurrence.aspx?id=882
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